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KUNMING, 14 ET 15 OCTOBRE 2015

Permettez-moi tout d'abord de remercier le professeur He Ting pour son extraordinaire travail de rapprochement entre la Chine et l'Occident et surtout pour son enthousiasme et son engagement en faveur de la médecine chinoise. Je n'ose imaginer le travail nécessaire à la création de ce Musée ainsi qu'à la tenue de cette conférence!

Je vis en Chine depuis 15 ans maintenant. C'est une immense chance qui m'a été donnée, car elle m'a permis de connaître ce pays magnifique, d'en apprécier la culture, d'en apprendre la langue et surtout de me faire beaucoup d'amis très chers. Ces années m'ont également amenée à approfondir ma connaissance de la médecine chinoise et à constater la diversité des pratiques en Chine comme en Occident. 

J'ai pourtant appris l'acupuncture non pas en Chine, mais en France, auprès de la SFERE, il y a maintenant plus de 20 ans.

 

  • Bref rappel des origines de notre école

La SFERE a été créée par Jean-Pierre Guiliani et Régis Blin, qui en assurent toujours la direction. C'est actuellement l'une des plus grandes écoles de médecine chinoise en Occident, et la plus ancienne, puisqu'elle a fêté ses 40 années d'existence en 2015. L'enseignement à la SFERE s'inscrit dans la lignée de Soulié de Morant: son élève Jean-François Borsarello est le professeur de Jacques Pialoux, à son tour professeur de Jean-Pierre Guiliani et de Régis Blin.

Après avoir découvert l'acupuncture dès 1926 grâce à Soulié de Morant, les praticiens Européens ont ensuite bénéficié de l'apport du Maître Yangiya Sorei et de ses élèves japonais, qui ont enseigné l'utilisation des 5 éléments en acupuncture à Paris dans les années 1950.

A travers Soulié de Morant et Yanagiya Sorei, la SFERE transmet les enseignements des classiques: Neijing, Lingshu, Da Cheng, Nan Jing, Yi Xue Ru Men, etc.

 

  • L'acupuncture enseignée par Jacques Pialoux et la SFERE

En Occident, on dit souvent de la médecine chinoise que, contrairement à la médecine classique (Occidentale), elle est une thérapeutique "holistique" et non pas symptomatique, c'est à dire qu'elle s'intéresse à la globalité de l'individu et non juste à ses symptômes. Or il existe de nombreuses manières de pratiquer l'acupuncture et trop souvent, hélas, celle-ci se réduit à un traitement symptomatique, utilisant une combinaison de points auxquels est attribuée une fonction. Ce type de thérapeutique, s'il permet de traiter des douleurs (rhumatologiques en particulier) présente un certain nombre d'inconvénients. Si les symptômes sont nombreux, le praticien aura tendance à multiplier le nombre d'aiguilles et à répéter les séances tous les 2-3 jours, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Un tel traitement ne s'adresse qu'aux symptômes mais ne permet pas de traiter la cause profonde des maladies, ni les pathologies fonctionnelles (En Chine, celles-ci sont d'ailleurs généralement traitées par la phytothérapie).

Par contraste, l'acupuncture que nous ont transmise Soulié de Morant et les maîtres japonais repose sur une compréhension de la physiologie de l'énergie et de sa circulation dans le corps : les pouls permettent d'apprécier l'état énergétique du patient et le traitement régule l'ensemble du système énergétique. On utilise ainsi très peu d'aiguilles, les séances sont peu nombreuses et espacées. Le traitement vise le rétablissement de l'énergie correcte Zhen Qi. Il permet ainsi de traiter les maladies fonctionnelles en s'adressant à la cause de la pathologie. Lorsque la circulation physiologique de l'énergie est rétablie, les symptômes et les douleurs disparaissent.

Ce type d'acupuncture se caractérise par une utilisation extensive des pouls: pouls radiaux, mais aussi pouls carotidiens (point ren ying). Les pouls sont pris de façon globale, sur les trois loges à la fois pour déceler la forme globale du pouls,  puis on insiste sur la prise des pouls loge par loge, organe par organe, sur trois degrés de profondeur. Le pouls des 5 éléments, tel qu'enseigné par Yanagiyia Sorei, permet également de décider de l'opportunité d'appliquer un traitement "des quatre aiguilles" afin de réguler les 5 éléments, ce qui permet généralement de tonifier des vides profonds et chroniques ou de régler des pathologies à incidence psychiques. Le thérapeute reprend également les pouls après l'insertion de chaque aiguille afin d'en vérifier l'efficacité.

A ces techniques issues des classiques (Nanjing, Zhen Jiu Da Cheng, Lingshu en particulier), Jacques Pialoux a ajouté un certain nombre de techniques complémentaires,  fruits de son étude approfondie du Yi Jing: 

  • Une analyse de la production, de la polarisation (Yin-Yang) et de la circulation de l'énergie dans le corps.

  • Une compréhension de la physiologie énergétique basée sur la notion antique des trois foyers. Signalons à ce propos les similitudes de cette analyse avec les travaux du Dr. Li Xin, de Shanghai, en phytothérapie.

  • Une vision "en trois D" du système énergétique, impliquant des notions de profondeur et de superficie, avec hiérarchisation des différents types de méridiens. Cette compréhension des niveaux énergétiques, analogue à la notion classique de "biao-li", remplace avantageusement la vision "plate" du réseau des jing luo que véhiculent les différentes planches d'acupuncture. Par analogie, on peut se référer au système sanguin: production du sang, puis distribution (pompe cardiaque), puis circulation de la profondeur à la superficie dans les artères et les veines, puis les veinules et les capillaires. Il s'ensuit une clarification de la symptomatologie et des pouls propres à chaque niveau (trois foyers et zang-fu, merveilleux vaisseaux, 5 éléments, méridiens, luo, jing bie, jing jin) ainsi que des traitements respectifs, ce qui facilite grandement la tâche des élèves apprenant l'acupuncture!

  • Toujours à partir de l'analyse du Yi King, ainsi que du Qi Jing Ba Mai Kao, Jacques a également clarifié le rôle des merveilleux vaisseaux et mis au point une technique thérapeutique extrêmement efficace.

 

  • Apports et développements récents

La médecine chinoise classique n'est pas une science figée, elle continue à évoluer et à progresser grâce aux découvertes et des praticiens et des enseignants du monde entier. En Chine, notamment, de nombreux chercheurs font avancer la compréhension de cette médecine de l'énergie: j'ai déjà cité plus haut les travaux du Dr. Li Xin.

L'Occident apporte également sa contribution au développement de la médecine chinoise: en France, par exemple, l'acupuncture s'est enrichie au contact de l'ostéopathie, particulièrement des techniques cranio-sacrées. Cet enseignement est donné à la SFERE, en complément des études d'acupuncture classique décrites plus haut.

L'ostéopathie cranio-sacrée se situe à l'interface entre la médecine Occidentale et la médecine chinoise. Basée sur l'anatomie classique, elle apporte une compréhension et une perception fine du mécanisme des fluides dans le corps et décrit sous le nom de Mouvement Respiratoire Primaire le mouvement de respiration (ouverture et rassemblement) de l'énergie telle que le connaît la médecine chinoise (mouvement du yin-yang). Jean-Pierre Guiliani et Régis Blin, tous deux ostéopathes et acupuncteurs, sont parvenus à relier dans une thérapeutique unique ces deux approches de la santé: l'acupuncture et l'ostéopathie.

A partir des travaux de J. Pialoux sur le Yi King et de ses connaissances en ostéopathie, Régis Blin a ainsi établi les correspondances et les relations de résonance entre les structures physiques du corps (os, muscles, articulations, organes, etc.) et ses structures énergétiques (Zang-fu, méridiens, luo, merveilleux vaisseaux, points). Sa technique utilise ces relations de résonance entre les tissus pour leur rendre leur vitalité propre, leur mouvement de respiration énergétique, c'est à dire leur Zhen Qi.

En effet, deux types de relations existent entre les différents composants du corps humain: un lien de conduction et un lien de résonance. Le lien de conduction est le mieux connu. Il est associé aux trajets nerveux, vasculaires ou énergétiques qui relient certaines parties du corps humain entre elles. Ce phénomène de conduction est couramment utilisé en acupuncture, par exemple, lorsque l'on stimule un point d'acupuncture pour agir sur un organe, une zone de peau, un trajet musculaire ou une articulation: un trajet énergétique (Jing Luo) relie le point stimulé et la structure physique traitée. De même, la conduction est à l'œuvre dans la relation établie entre une zone réflexe et un organe, un membre, etc. par l'intermédiaire du système nerveux. C'est la relation utilisée en auriculothérapie, en réflexologie plantaire, en acupuncture de la tête (Tou Pi Zhen), etc.

 

Le système de résonance qui structure le corps humain, est lui, moins bien connu, bien qu'il soit mentionné dans les textes anciens, par exemple au chapitre 6 du Huai Nan Zi, qui l'appelle ganying 感應. Ce lien de résonance relie entre elles des structures qui ne sont a priori reliées par aucun trajet physique (nerveux ou vasculaire), ni énergétique (méridien). Par résonance, une articulation ou un os bloqué ou déplacé affectera directement un autre os ou une autre articulation. Par résonance toujours, il sera possible de débloquer, de remettre en mouvement un os en s'aidant d'un os correspondant, à l'aide d'une technique très simple. Ainsi, une cheville blessée avec une astragale bloquée, par exemple, affectera la première cervicale, qui aura tendance à se mettre en lésion de manière récurrente, affectant le sommeil de la personne, provoquant des migraines, des vertiges, etc. On retrouve d'ailleurs généralement un blocage du Yang Qiao Mai, dont les symptômes et le trajet sont caractéristiques. Dans ce cas, se contenter de "faire craquer" la première cervicale ne résoudra rien. Il faudra remonter à l'origine du problème en s'aidant des liens de résonance pour débloquer l'astragale, lui rendre un mouvement énergétique correct, c'est-à-dire son mouvement vital fondamental (pulsation yin et yang, ou mouvement de respiration tissulaire, d'ouverture et de repli de l'énergie). Ceci fait, la correction de la première cervicale pourra enfin intervenir de manière durable.

 

De même, chaque os crânien est en résonance avec une phalange: en cas de blocage du temporal, par exemple, avec vertiges, acouphènes ou perte d'audition, migraines, etc., on pourra dans un premier temps diagnostiquer ce blocage en palpant la phalange correspondante, puis s'aider de cette phalange pour rétablir le mouvement énergétique du temporal. 

 

Ce même principe de résonance régit les relations entre toutes les structures physiques et énergétiques du corps humains: os, muscles, organes, mais aussi les points et les méridiens d'acupuncture, les merveilleux vaisseaux, etc. Reprenons l'exemple du temporal: en médecine chinoise, en simplifiant, les problèmes de vertiges, d'acouphène ou de perte d'audition sont liés à l'énergie du rein. Or, le temporal est en résonance énergétique avec le rein. Anatomiquement, un blocage du temporal affecte l'oreille interne. Le traitement consistera alors à rééquilibrer l'énergie du rein en acupuncture (traitement des cinq éléments par exemple), puis à rendre son mouvement vital au temporal afin de soulager les problèmes d'équilibre ou d'acouphènes.

Le travail de Jean-Pierre Guilliani repose sur les mêmes bases énergétiques. Toutefois, Jean-Pierre utilise, lui, la forme visualisée et le son des lettres hébraïques, prononcées comme des mantram, pour rendre aux tissus leur vitalité et donc leur Zhen Qi. 

Ces techniques ont été expérimentées et validées par des centaines de praticiens du monde entier: Régis et Jean-Pierre enseignent depuis de nombreuses années à des acupuncteurs et des ostéopathes au Maroc, en Belgique, en Suisse, en  Allemagne, en Autriche, en Italie, en Russie, au Kirghizstan et en Chine (Institut Zidao Jingshe de Shanghai, depuis cette année). 

A ceux qui s'étonneraient de voir un Français proposer de nouvelles pistes en médecine chinoise, rappelons que c'est justement sa portée universelle qui fait toute la valeur de cette médecine. Bien que solidement enracinée dans la civilisation chinoise classique, la médecine chinoise n'est pas une tradition surannée, désuète, ni moribonde. C'est une médecine vivante, qui grandit, évolue et s'enrichit des apports des chercheurs chinois modernes, mais aussi de ceux d'autres sciences et d'autres peuples, pour le plus grand bien des patients.

En ce sens, la médecine chinoise a acquis la même universalité que la médecine dite "Occidentale": c'est l'une des plus belles contributions de la Civilisation Chinoise à l'humanité.

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